jeudi 1 septembre 2022

Le poète, la sensation, le sentiment




L’ENFANT, René Guy Cadou (1920-1951),
troisième poème 
dans Les Amis d’enfance,
Poésie, la vie entière, 
œuvres poétiques complètes,
aux Éditions Seghers.

La poésie

Humainement, je ne peux ni parler ni faire comme si je vivais dans les sphères et les parages de la poésie depuis des millénaires. De même que nous sommes les amoureux de la vie, nous sommes les invités de la poésie. Chez elle, l’amusement et le sérieux sont des jeux éducatifs qu’elle met au service de sa grande cause, le parcours de récréation, qui est long et surprenant, de l’année à l’instant, ressassé en bref. Je pense qu’elle sent en elle une amie de la sagesse. Chez elle, j’ai joué avec des philosophes.


Les poèmes

On admet généralement des conceptions poétiques et un sens de la poésie, à côté des poèmes. Le caractère poétique d’une situation, d’un sentiment, fait toutefois l’objet d’une certaine confusion : ce qui dans ce moment vécu peut sembler poétique, est-ce le bien qu’il nous inspire ? Le bien que sont l’agréable, la beauté, la douceur, ces choses bonnes que la poésie admet et encourage, ce bien peut se dire autrement qu’en l’appelant poétique. Le risque du trop flou n’est jamais loin du sujet, celui de l’évanescence de la chose non plus. Étrangement, en retour, certains poèmes sont écrits pour être lus par les flous et les évanescences. Pendant ce temps, des poètes critiques ont dénoncé et catégoriquement refusé que la douceur et la beauté soient admises dans la poésie faite de poèmes.


La connaissance

Le sens de la poésie naît ou apparaît d’après la lecture qu’on a de poèmes, dès l’enfance, au moins à l’école, où on la transmet, où elle se cultive. Plus tard, la poésie des poèmes est toujours abordable à ceux qui la recherchent et s’en souviennent. Ailleurs, le paysage admiré en sentant résonner un ancien ailleurs, la beauté vécue et aimée, l’oiseau perçu, la fontaine ou l’instant de flottement, de perfection, le tragique d’une pensée et d’un événement, sont originalisés par la culture faite pour qu’on puisse les nommer et les ressentir poétiques. La vie nourrit la poésie, les poètes et leurs poèmes de sensations, de temps, de visions, de pensées, de sentiments. Mais ce fait poétique, cette appellation même, provient des poèmes, s’applique à eux, on reprend sans cesse ce terme, on cultive l’art poétique, on sait encore encourager la lecture en général pour ses vertus édifiantes et calmantes, ses ressources d’intimité et de connaissances, de beautés, de pensée.


L’éloignement

Il faudrait donc être un peu fou pour prétendre à la longue couper l’art poétique de l’enfance et de l’école, de ses racines, au nom de Dieu sait quelle grande poésie. La beauté, le souffle et les mots sont un modèle vivant d’inspiration et d’émotion pour les poèmes. À la longue, la volonté de vider la poésie d’une part de sa substance dans l’intention de la transporter dans le poétique de la vie, des sensations, de la volonté, c’est cela et rien d’autre qui serait une trahison, un danger, un mauvais choix, le projet de détruire la poésie qui sauve le monde. L’école, la lecture, la bienveillance sauvent le monde. En être conscients est très important, nous sommes garants de ce bien, il est commun et contribue au maintien du monde de la vie. La poésie ne peut se vivre de trop de sophismes réducteurs, aussi libérateurs soient-ils. La souffrance de la perte suivrait l’évidement de la poésie par désertion délibérée de la culture des recueils, pour ne la destiner qu’à un diffus confus, un vague sentiment de déjà-vu, étrange et agréable, touchant et émouvant, sans qu’on sache très bien pourquoi : du langage, de la terre, un peuplement, où nous allons. En somme tout reste à faire, jusqu’à délier sa langue et défaire l’adversité.


La liberté

Une soirée sur les sentiers dans la nature, une passion légère dans le temps, le flâneur solitaire dans l’existence, ce sont des réalités poétiques quand on veut, où l’on veut, spécialement dans des poèmes qui misent sur l’entrée en résonance avec le sentiment du poétique et la connaissance de la poésie. Consciencieusement, les livres de poèmes recueillent concrètement de tels sentiments vécus et écrits, éprouvés dans les mots et l’esprit. Leur lecture les rappelle, à condition de les ouvrir, de les trouver.



1 commentaire:

Victor Couillebrand a dit…

Cher monsieur,

Vos remarques poétiques sont exprimées dans une langue claire qui a la simplicité de dire le dit et le dédit.

Cependant, à la lecture des poèmes de votre blog, j’ai comme le sentiment que ces derniers ne feront pas sensation. Cela ne remet pas en cause votre capacité à lire les poètes ni votre capabilité à le devenir un jour.

Je suis au regret de vous dire que vos poèmes sont mauvais.

Bien versement.

Victor Couillebrand, Sémaphore de l’étang du dé des gars

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