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dimanche 6 novembre 2022

La démence collective

René Descartes (1596-1650), d’après Frans Hals

La culture et l’éducation de France a la haine de la vocation. Elle la démoralise, la harcèle, la violente. Sauf si la vocation parvient à décrocher les diplômes que les mentalités attribuent faussement au « mérite ». Mais comment un jeune harcelé et agressé avec des coups, des préjugés et la haine de ses origines peut-il croire que l’égalitarisme le protège ? Face à l’acharnement qui le frappe quand il réussit, car la perversion y voit son échec, comment ce jeune peut-il s’intégrer ? Contre la perversion qui le saccage dès qu’il échoue, car l’acharnement y voit sa réussite, pourquoi ce jeune gêne-t-il ? La seule réponse qu’on lui donne est celle-ci : « Parce que ». C’est la réponse d’un enfant de classe de maternelle peu éveillé. Est-ce l’idéal français qui s’exprime là ? L’idéal infantilisant ? L’idéal, son concept, ne serait donc qu’une infantilisation à laquelle on devrait renoncer ? Dans ce cas, la réussite du peuple de France serait un triomphe. À moins que le gâtisme allié à la putasserie de la volonté, triplées d’une perversité qui déserte l’esprit dans l’espoir de prostituer la matière, la « matière » étant dans notre système de volailles :


1. la jeunesse.


2. la femme, de la fille aux grands-mères.


3. les peuplades athées : 

a. les gaulois convaincus,

b. les réincarnés forcenés,

c. les colériques qui ne cherchent la foi qu’en mentant,

d. les sectaristes qui tiennent l’inverse pour chose possible et le néant pour une évidence sur laquelle ils ne reviennent pas. Un instant dure pour eux une zeptoseconde (« c’est 10 puissance moins vingt et une seconde ! Il s'agit d'un temps extrêmement court : un billionième de milliardième de seconde » — France Culture, dans Le Journal des sciences, le 19 octobre 2020). Pour ces sectaires les instants sont nombreux, mais leur vie, relativement parlant, leur paraît plus courte, peut-être, parce que moins riche d’une vérité qui sert la vie, qu’à ceux qui acceptent les différences cultivées, mais que la culture de la division ennuie. Bien que l’ennui soit une brique de base qui importe à toute culture d’élévation, personne de sensé ne daigne tolérer que la culture se passe dans l’ennui imposé, à des vivants, par des sectateurs du culte de la mort. L’exclusion programmée et systématique d’une minorité jalousée se nomme soit racisme, soit sexisme, soit nihilisme. Le nihilisme, dans ce cas précis, peut se nommer : favoritisme pour élever au pouvoir les décadents, tout en provoquant la déchéance des individus les plus sains, pour improviser un truc, une bricole qui humilie l’Allemagne post-nazisme pendant… « Pffffff ! Je sais pas ? J’ai oublié. Bref. » Cette logique est celle de la croix gammée, ou de la svastika, il suffit de penser à ce symbole honni et proscrit pour apprécier la chute des uns quand les autres s’élèvent, par la volonté de fer de l’injustice : au croisement, au centre, c’est l’oeil du néant, de la rencontre, criminelle et sanglante, stupide et sans âme, indifférente, humiliante.


Combien de pertes sur l’inconscience dans ce système de fous malsains, limités au jugement, à la réputation et aux caprices ? La seule chance de la jeunesse de France sera que cesse d’agir en France la haine de la chance de l’autre. L’amour, le couple, la réussite, la famille et la vie ne poussent que sur un sol où la chance est respectée.


Un nihiliste des plus actifs au service de la pourriture est mort. Un mort en moins ici a enfin trouvé la vie. Il s’appelait Noël, il avait femme, enfants, salaires, épargne, vie bourgeoise, droits fondamentaux, privilèges de classe, j’en passe. 


Ils disent : Dieu et le père Noël, idem. Autant dire : l’amour dont ils privent ce qu’ils marquent du néant.


Suis-je un philosophe ? Est-ce que je n’exagère pas, mon diagnostic du mal ne souffre-t-il pas de quelques approximations, mon discours peut-il prétendre à mériter le titre de la vérité ? Depuis que je suis un écrivain, je n’ai jamais trahi, dans mon métier, dans mes écrits, la vérité, la bonne cause de la vérité. Cette bonne cause a deux titres. Le premier titre est l’autre mot pour dire la bonne cause. Le deuxième titre est le terme le plus exact pour évoquer l’être de la vérité. Tous les deux y travaillent, c’est tout un. Les êtres vont toujours par deux. 

mercredi 29 septembre 2021

COMMUNIQUÉ : ultimatum à l’Antéchrist

Nietzsche à Turin
Image David Rolland (via Procreate)




Aujourd’hui, dernier jour de l’an 133 du faux calendrier.


La guerre à la guerre a assez éprouvé la guerre dans ses fondements. Avant-hier, au sens légendaire de l’histoire, nous la poussâmes dans ses retranchements, c’était au temps du siècle 1 de la guerre à la guerre, celui du 20e siècle, le plus malheureux, celui du Mal absolu et de la grande politique.




Notre cause, la guerre à la guerre, ne doit pas oublier pourquoi elle a lutté. Par un retour sur soi, elle doit demain renverser le cours de cette histoire et annoncer son nom au monde de la guerre jusque parmi les siens : la Paix.




« Guerre à la guerre ». C’est sous cette maxime que la paix a fait œuvre de guerre et de résistance. Elle doit demain revenir à sa cause première, à son œuvre principale, à sa profonde motivation.




Vous, qui cherchiez la paix sur Terre, vous l’avez retrouvée, vous l’allez reconnaître, vous savez la faire. Ce jour 1 de l’an 134 sera en même temps le dernier du calendrier de l’Antéchrist. C’est aussi avec lui que la guerre à la guerre, que la paix a combattu en son temps. Ce temps est révolu. Le calendrier chrétien va reprendre ses droits sur l’écriture de la paix. Dès maintenant vous pouvez aller en paix, vous pouvez l’écrire en paix, la guerre est suspendue, elle veut connaître ses derniers soubresauts avant sa fin. L’histoire veut continuer sans elle, la paix est redevenue sa cause première.




Dans cette histoire plus haute, le monde nouveau est plus grand qu’il ne l’a jamais été jusqu’à ce jour de paix.




Brest, 29 septembre 2021, pour la fin de l’inversion de toutes les valeurs.

Manifeste pour l’esprit

Simone Weil (1909-1943)



Je souhaiterais, dans cet article, pointer l’existence d’un questionnement qui, dans le féminisme contemporain, n’a pas encore été abordé au cours du débat qui anime la société actuellement. 

Les féministes, pour autant qu’elles veulent l’égalité, sont des humanistes. Dans le cas contraire, ce serait un renversement des rapports de domination hérités du patriarcat qui mènerait, depuis notre époque remuée, à la situation inverse, diamétralement opposée à une autre époque, dont la reconnaissance nous ferait encore défaut. On dirait, par exemple : « Vu la domination des femmes, nous vivons un XVIIe siècle inversé. » 

Mais les féministes veulent l’égalité, le féminisme est un humanisme. C’est reconnaître déjà que son but n’est pas atteint, que demeurent des inégalités en faveur des hommes. Mais y’a-t-il des inégalités qui se manifestent en faveur des femmes ? Je ne parle pas des inégalités de nature qui demanderaient des révolutions inouïes pour être renversées, tel que l’enfantement pour les hommes. Laissons cela au cinéma, à la fiction, car le besoin de fiction nourrit l’imaginaire, qui en retour fertilise la réalité. Or j’entrevois une pratique, qui se vit à la fois sur le mode réel et sur le mode imaginaire, et qui pâtirait grandement d’être considérée fictive. Cette pratique, c’est l’esprit. L’esprit individuel, l’esprit commun, l’esprit des sciences et des lettres, ont ceci en commun de marquer une limite entre l’ignorance et le savoir. L’esprit, pour exister, doit faire l’objet d’une recherche. C’est ce qui explique qu’il n’est jamais acquis immédiatement : qui croirait être pur esprit prouverait tout le contraire. L’esprit se définit par la participation qu’il sollicite et l’ouverture qu’il permet, par la recherche et par la découverte de créativité, de culture, de mémoire et de partage. Dans le féminisme, qui est le problème qui nous occupe donc, son esprit se distingue à plusieurs égards de celui pour lequel manque un équivalent masculin. Le« masculinisme » n’est guère un terme employé ni revendiqué, et pour cause : personne n’en veut. Cela atteste la force d’adhésion et de ralliement de l’esprit féministe. Bien des hommes ont compris qu’ils devaient être féministes pour survivre. 

En terme d’esprit, le féminisme est jeune. À peine plus d’un siècle. En revanche, ce qui caractérise les hommes et les femmes depuis toujours sous le vocable humains, c’est leur esprit commun. Si l’esprit des hommes domine les siècles, les millénaires diront certains, nul ne sait si cette domination s’est faite selon la nature. Pour ma part, j’aurais tendance à penser qu’il n’en est rien, qu’en des temps immémoriaux hommes et femmes vivaient égaux et heureux selon leur être, dans un équilibre de nature et d’humanité. À présent, sans que la domination masculine soit complètement surmontée, l’esprit dominant est un esprit féministe. Et ce qui renforce sa domination, c’est le peu d’exemples d’esprit féministe qu’offre l’histoire. C’est en même temps la raison de la colère féministe, et sa force. Elles ont peu de modèles, elles créent ex nihilo des valeurs, librement, selon leur volonté et leur inspiration, selon les évènements. Non qu’elles créent la nécessité essentielle de leur esprit, qui leur est fatalement antérieure, mais elles l’expriment nécessairement de tout leur être. Mais cet esprit inédit dans l’histoire a un revers : la vision opaque, la confusion de qui est privé d’exemples passés, sans compter l’impossibilité commune de connaître l’avenir. On assiste donc à une liberté, une créativité et une domination sans partage de l’esprit du féminisme. 

Pour les hommes, il en va tout autrement. Non seulement les hommes contemporains se voient dominés par l’esprit féministe, mais ils ont, de surcroît, bien des exemples historiques d’hommes et d’esprits masculins d’une grande diversité. Et ces exemples, qui peuvent devenir des modèles, ou des sources d’étude et d’inspiration, des nourritures spirituelles, des guides ou des ennemis historiques, tous ces exemples les dominent à leur tour. Dans la grande et longue histoire, les hommes ont dominé : guerres, travaux d’envergures, hommes de pouvoir, clercs, scientifiques, philosophes, et, dans une moindre mesure, artistes. Presque tout ce qui a nourri l’esprit historial était masculin. Or les modèles importent grandement dans la constitution de l’esprit commun et individuel. On ne peut pas connaître les sciences sans étudier leur histoire, etc. Les choses se passent comme si la plupart des repères masculins étaient dominants et dominateurs, pour les hommes comme pour les femmes, sans que ces dernières les reconnaissent pour esprit. Les hommes seraient voués à être dominés par l’esprit commun, masculin et féminin. Mais il faut peut-être, pour comprendre ce qui a lieu, délaisser désormais le terme de « domination », pour lui préférer ceux de transmission, de mémoire et de culture. Car l’esprit n’aura pas le choix s’il veut survivre : il devra faire corps avec l’ennemi, plus seulement l’affronter. 

En conclusion, j’aimerais ajouter un mot sur ce qui occupe mon temps agréable : la philosophie. De Socrate au vénérable Jürgen Habermas, une chaîne quasi ininterrompue de philosophes masculins s’est exprimée. Bien ou mal, utilement ou non, clairement ou obscurément, telles ne sont pas mes questions du jour. Je dois dire que cette quête de l’esprit, qui donne de l’intérêt à la philosophie, est passionnante. Et je ne connais rien qui soit plus spirituel que de lire des livres en devenant moi-même des bribes d’untel et de tel autre, comme un arbre où grouillerait un écosystème varié et fécond : 

le tronc chrétien, socratique et kierkegaardien, 

les branches des philosophies allemandes et grecques, 

les feuillages français, 

les amitiés vivantes et dialoguantes, 

les oiseaux de jour comme de nuit, 

les papillons du hasard, 

les abeilles et les bourdons romanesques, 

la floraison de la sagesse que je cherche encore… 

Je souhaite donc dire aux féministes : lisez les philosophes, femmes et hommes. Bien que ces derniers monopolisent vingt-cinq siècles d’entretiens, ils n’ont eu qu’un infini en partage, un seul. L’éternité de la pensée dans laquelle nous vivons tous est bien plus grande encore, à condition de la nourrir aussi de leurs richesses. — Et si les livres du premier et du dernier d’entre eux croisent votre route, laissez-les dialoguer ! Vous en oublierez jusqu’à la dernière actualité, jusqu’à votre fatras, vous en oublierez où vous êtes !

jeudi 25 juin 2020

Un temps pour la grandeur

La Liberté éclairant le monde
New York




Il se pourrait que tout le drame de nos sociétés tienne en une erreur, et même en une phrase : nous voulons devenir plus forts trop tôt, avant de nous élever. Or, c’est le contraire qui serait bon. S’élever, puis seulement devenir plus forts, en vieillissant, comme les arbres. 

Une autre erreur, parente de la première, voudrait que nulle grandeur, nulle idée de hiérarchie, donc nulle élévation, ne soient permises. Mais là encore, il se pourrait bien que le but de l’éducation, la grandeur — puisqu’il ne s’agit pas de jouer des coudes ni d’assécher son voisin et de dicter sa loi aux autres —, soit d’amener les êtres à s’élever selon l’esprit, avec intelligence, à gravir l’échelle des valeurs. 

Tel l’arbre qui admire le ciel, le soleil, les étoiles ou les nuages, sans jamais ployer, accueillant dans ses branchages oiseaux, insectes, fleurs, et même poussières ; leur offrant un abri, un nid, un repas, la lumière, un promontoire où chanter ; ne devrions-nous pas aussi songer à notre élévation avant de prouver notre force ? 

mardi 14 mai 2019

Un temps pour tout

La tour — Tarot




Il y a, à l’œuvre dans la société, une horizontalisation des valeurs – propre à l’anarchisme –, qui montre – et qui entend bien montrer – que ses partisans se placent « à la base » d’une refondation des valeurs individuelles. « On est à la base ! » Ce cri de ralliement militant trahit non un désir de s’élever, mais de s’étendre. Pour penser et pour croire se situer à la base, aux fondements d’une société, il faut cultiver la défiance envers tous ceux qui, de générations en générations, de refondations en défaites, de ruptures en transmissions, ont cru, à bon droit, contribuer à renforcer ses fondations. La base, pour édifier, doit être solide. Si « l’ascenseur social est en panne », comme le veut l’antienne journalistique, il s’agit toutefois dans la société de quelque chose d’autre qu’un ascenseur qui élève : le soin de transmettre en vue d’édifier, le souci de pérenniser des valeurs bonnes, qui favorisent les initiatives et la conservation de l’espèce humaine, qui l’élèvent et qui la renforcent, qui la protègent, en lesquelles elle aime la vie. 

Mais une génération se dresse et proclame : « Nous sommes la base ! » Qu’elle vérifie premièrement que les bases n’ont pas déjà été posées et qu’elles sont encore solides. Parfois, un soutien, une unité de renfort est nécessaire pour consolider une base qui montre quelque signe de faiblesse. Ce n’est là qu’un modeste sacrifice en comparaison des efforts auxquels auront dû consentir des générations pour construire patiemment les bases, les fondations, ce qui fait tenir debout l’édifice. Refonder la base, au contraire, demanderait, avec un aplomb inouï, soit d’aménager un autre emplacement pour construire ailleurs, soit de détruire ou déconstruire l’édifice. Poser de nouvelles bases sur des bases anciennes et encore viables, c’est risquer de faire vaciller les fondations, la structure, l’ensemble, car on ne pose pas des bases sur des bases, des fondations sur des fondations. L’édifice exige de ses ouvriers aussi patients que géniaux la conservation, l’étude et l’élévation.

Mais l’édifice, au fil des siècles de sa construction, a atteint une dimension et une taille prodigieuses. Ses fondations, extrêmement larges et solides, sa hauteur, vertigineuse, font la fierté des individus qui le composent. Non sans vivoter sur les bases anciennes, ils sont grisés par la mémoire de leurs ancêtres, dont ils ressentent le légitime orgueil, et par l’avenir encore prometteur, dont ils pressentent la venue. Il faut le reconnaître, la difficulté, pour eux, ne consiste pas tant à aplanir le terrain, qu’à contempler, sans défaillir, l’horizon majestueux qui s’étend devant eux. L’horizontalité les saisit. La vision qu’il leur reste à inventer n’est pourtant plus si large, plate, géométrique, que haute, profonde, échelonnée, afin de mesurer la difficile beauté de l’édifice. L’heure n’est plus au compas, mais au sextant. Après tout, la grandeur participe de toutes les dimensions. 

La verticalité de l’esprit exprime un désir d’élévation qui succède à l’horizontalité de la volonté, cette volonté déjà ancienne qui a rendu possible la construction de l’édifice. L’horizontalité, qui perdure dans le regard de tous, est l’extériorisation de la volonté commune et mémorable, qui, pour se perpétuer, a l’obligation de se convertir aux profondeurs de la vision, de la création, de l’esprit. À l’heure actuelle, cette profondeur est encore malaisée, mal représentée et difficile à percevoir. Sur nos écrans, il arrive même qu’elle passe ou se fasse passer pour une extravagance folle ou dangereuse, parfois les deux. La restitution de la profondeur impose, à la base de l’éducation, la confiscation ou la mise à distance des écrans, et l’instauration du « temps d’écran » pour tous les autres. Il y a un temps pour tout.

jeudi 16 août 2018

Choix de vie



A — Je construis mon monde comme un château de cartes. Quelqu’un le heurte et il s’effondre. Dois-je le recommencer à lidentique, tout reconstruire méthodiquement, au risque de le perdre à la première rencontre ; ou bien saisir une carte et interpréter mon destin ? Que faire alors, sinon me vouer à la contemplation ? — B — Mais les deux cas ne forment-ils pas qu’une seule perspective ? Le choix est-il distinct entre la reconstruction, pour édifier ; et l’étude, pour renforcer ses fondations ?

mardi 14 août 2018

Honte originelle


Adam et Ève1528, 
Lucas Cranach l’Ancien


A — Pourquoi les femmes que j’aime sont-elles nulles envers moi ? — B — Sans doute ont-elles peur, sans “ll”, de se retrouver nues devant toi ?

vendredi 1 juin 2018

De la supériorité de l’ÊTRE sur l’AVOIR (en abordant le DEVENIR)

Dans les yeux de Sœren il y a l’Idée, regarde !
Søren Kierkegaard (1813-1855) 
par Niels Christian Kierkegaard vers 1840



Il y a ÊTRE et AVOIR. ÊTRE nous pare de nos qualités les plus variées. Seul ÊTRE rend possible le DEVENIR. AVOIR comporte une logique binaire (avoir ou ne pas avoir) et numérale (avoir en quantité, ou en manquer). 

Aucune philosophie pérenne, aucune poésie véridique, ne peuvent se fonder sur AVOIR sans comprendre en même temps ÊTRE. Car AVOIR sans ÊTRE réduirait l’existence à un spectacle, où le billet d’entrée serait la seule preuve que le spectateur assiste bien à une mise en scène, contrairement à la réalité telle qu’elle est communément vécue. Preuve bien fragile et sujette à mille tracas si l’on venait à la perdre ou si l’annulation du spectacle exigeait un légitime remboursement, et qui ne résisterait pas à l’épreuve du temps lorsque viendrait pour nous l’instant du ressouvenir, l’âme emplie de l’attente émue d’une réminiscence qui prouverait la valeur du spectacle depuis longtemps terminé, par-delà l’ogre indifférent des ans, mais hélas... les doigts fébrilement cramponnés à un vulgaire bout de carton ! Seul ÊTRE, sans titre de transport ni billet, permet de distinguer la vérité du spectacle. 

Il y a un joli verbe anglais qui combine ÊTRE et AVOIR : BEHAVE, se comporter. Il est bon de savoir se comporter convenablement. Mais il est beau de savoir se comporter dignement à travers l’épreuve du DEVENIR. Voilà pourquoi seules les trois possibilités ÊTRE, AVOIR, DEVENIR en même temps peuvent satisfaire au besoin de sagesse auquel chacun de nous se propose de répondre.


Si j’énonce enfin cet aphorisme :


Aimer, grogner, pleurer et rire, tels sont les quatre stades du dionysiaque. 


On peut observer que :

— AVOIR seul est un constat lassant, une morne énumération : avoir aimé ; avoir grogné ; avoir pleuré ; avoir ri. 

Qui se satisferait uniquement d’AVOIR ? 

— ÊTRE seul est plus réjouissant, mais laisse à désirer : être aimé, être aimable, être amoureux ; être grognon ; être en pleurs ; être riant.

Mais si ÊTRE est plein de vertus, il exige qu’on lui donne un sens. 

Voilà pourquoi DEVENIR, avec ÊTRE et AVOIR, c’est se lancer dans l’inconnu avec les possibilités qui donnent à la vie sa valeur d’être vécue.