dimanche 30 août 2020

Quatre vérités




Dieu respire les athées. Voici le mystère : Dieu expire les athées, d’où leur confusion sceptique, puis il les inspire, mais ces incorrigibles méchants ne le disent pas, ils ne le savent même pas. Ils sont le souffle cosmique qui insuffle à Dieu le culot de créer encore. Oui, les athées sont l’air que Dieu respire, et personne ne le sait.

Dieu boit les croyants. Pas jusqu’à la lie. La lie des croyants, c’est leurs croyances, mais Dieu n’en veut pas, il ne boit que la foi. Les croyants désaltèrent Dieu, leur fraîcheur lui est agréable. Dieu est plus créatif lorsqu’il a bu, ses capacités sont maximales et il ne déçoit jamais lorsque il a bien bu. Les croyants sont l’eau que Dieu boit, les plus mystiques sont même le vin qu’il débouche pour les grandes occasions. 

Dieu ne mange pratiquement jamais, comme les ascètes et certains fakirs. La seule fois où il a pris un repas, c’était avant de créer le monde, il a tout rendu et c’est ce qui a créé le monde. C’est pour cela qu’en respirant et en buvant, Dieu se suffit et suffit au monde, qu’il continue de créer. C’est pour cela aussi que ce n’est jamais pareil, tout en gardant un air de déjà-vu. 

Dieu rêve des animaux et des plantes, lorsqu’il dort. Les animaux et les végétaux sont le repos de Dieu. Les animaux le laissent tranquille au moins, ils font leur vie sans le déranger. Il trouve le calme dans la nature, qu’il a d’abord créée pour eux, et il attend de nous que nous respections leur silence et leur propriété. Les humains sont un souci permanent pour Dieu, il aimerait bien que ce soit réciproque, alors parfois il boit un grand coup et il soupire en s’endormant.


jeudi 25 juin 2020

Un temps pour la grandeur

La Liberté éclairant le monde
New York




Il se pourrait que tout le drame de nos sociétés tienne en une erreur, et même en une phrase : nous voulons devenir plus forts trop tôt, avant de nous élever. Or, c’est le contraire qui serait bon. S’élever, puis seulement devenir plus forts, en vieillissant, comme les arbres. 

Une autre erreur, parente de la première, voudrait que nulle grandeur, nulle idée de hiérarchie, donc nulle élévation, ne soient permises. Mais là encore, il se pourrait bien que le but de l’éducation, la grandeur — puisqu’il ne s’agit pas de jouer des coudes ni d’assécher son voisin et de dicter sa loi aux autres —, soit d’amener les êtres à s’élever selon l’esprit, avec intelligence, à gravir l’échelle des valeurs. 

Tel l’arbre qui admire le ciel, le soleil, les étoiles ou les nuages, sans jamais ployer, accueillant dans ses branchages oiseaux, insectes, fleurs, et même poussières ; leur offrant un abri, un nid, un repas, la lumière, un promontoire où chanter ; ne devrions-nous pas aussi songer à notre élévation avant de prouver notre force ? 

samedi 18 janvier 2020

PAROLES : N°4 « Autodélivrance »


Léo Ferré (1916-1993)


Lorsqu’en passant au rayon poésie :

— Regardez mon sac... vous voyez ?... j’ai rien volé... j’ai rien volé...
...
— Ah oui... effectivement !

Automne 2019, 
librairie Dialogues.

samedi 26 octobre 2019

PAROLES : N°3 « MDR »

Marcel Proust
(1871-1922)


— David, vous êtes un Allemand.
— Pourquoi alors ?
— Le masque, le masque !

             2016, CATTP.

jeudi 19 septembre 2019

mercredi 18 septembre 2019

PAROLES : série francophone. N°1 « Peinard »

Friedrich Nietzsche (1844-1900)



 
                 “J’ai jamais été en prison.
                          Et je suis jumeau ! ”

                                          Avril 2006, Bohars. 

Éperons de la critique : notule poétique

Arthur Rimbaud, 1872 
© Étienne Carjat - Wikipedia


Autour de la poésie : la gnose-la-prose-la-glose. La critique et la poétique, la métacritique et la métapoétique, les commentaires, se rendent pratiquement incritiquables, puisqu’ils prétendent englober le tout dans le phénomène « poésie », le subsumer en lui-même, en logoïsant le monde. Chacun, devant ce discours, n’a qu’à se taire, ou lui emboîter le pas, avec pour résultat qu’aux grandes approximations on ajoute de l’imprécision, au grand flou son vague témoignage. Le commentaire assèche, la critique décrépit, et, à rebours, la gnose-la-prose-la-glose révèlent leur propre aridité. La première victime en est la poésie : elle est surplombée, de toutes parts, par de grands esprits, de grands lecteurs, de grands critiques et de grandes injonctions. C’est l’ère du méta-individualisme où règnent les principes, les classes à l’infini. La vie est autre chose... du court, du dense, du beau, du fou. En mettant le doigt sur le « je », la distinction apparaît, d’où la permanence du vers et de la rime.



L’IMITATION D’RIMBAUD


J’en écrirai encor, des vers !
Comme Verlaine et Baudelaire...
J’en ferai encor, des affaires !
Comme Arthur Rimbaud en enfer...

et quelques fabuleux blasphèmes

de ceux qui vouent à l’anathème
celui qui en fait des poèmes
prélude à de nouveaux problèmes...

La jeunesse (brave jeunesse)

dévorante, feignante, ogresse, 
agglutinait les sons (ô graisses)
déjà bien avant que je naisse

et se mentait sur tout (je mens…)

ce qui a pour nom « sentiment »
sans égratigner le tourment
que j’opère... Adieu charlatans !

J’aurais mieux fait de m’engager

dans le commerce et bien manger
au lieu de « métalangager »
pour devoir mes talents gâcher !

Qu’attend le monde d’un poème 

sinon qu’il soit d’amour bâti 
avec des mots pour le porter
sous le soleil vers l’éternel ?

Je m’en vais même si je t’aime

C’est décidé je suis parti
Non n’essaie pas de me chercher !
Je suis au-delà du Sahel...

mardi 14 mai 2019

Un temps pour tout

La tour — Tarot




Il y a, à l’œuvre dans la société, une horizontalisation des valeurs – propre à l’anarchisme –, qui montre – et qui entend bien montrer – que ses partisans se placent « à la base » d’une refondation des valeurs individuelles. « On est à la base ! » Ce cri de ralliement militant trahit non un désir de s’élever, mais de s’étendre. Pour penser et pour croire se situer à la base, aux fondements d’une société, il faut cultiver la défiance envers tous ceux qui, de générations en générations, de refondations en défaites, de ruptures en transmissions, ont cru, à bon droit, contribuer à renforcer ses fondations. La base, pour édifier, doit être solide. Si « l’ascenseur social est en panne », comme le veut l’antienne journalistique, il s’agit toutefois dans la société de quelque chose d’autre qu’un ascenseur qui élève : le soin de transmettre en vue d’édifier, le souci de pérenniser des valeurs bonnes, qui favorisent les initiatives et la conservation de l’espèce humaine, qui l’élèvent et qui la renforcent, qui la protègent, en lesquelles elle aime la vie. 

Mais une génération se dresse et proclame : « Nous sommes la base ! » Qu’elle vérifie premièrement que les bases n’ont pas déjà été posées et qu’elles sont encore solides. Parfois, un soutien, une unité de renfort est nécessaire pour consolider une base qui montre quelque signe de faiblesse. Ce n’est là qu’un modeste sacrifice en comparaison des efforts auxquels auront dû consentir des générations pour construire patiemment les bases, les fondations, ce qui fait tenir debout l’édifice. Refonder la base, au contraire, demanderait, avec un aplomb inouï, soit d’aménager un autre emplacement pour construire ailleurs, soit de détruire ou déconstruire l’édifice. Poser de nouvelles bases sur des bases anciennes et encore viables, c’est risquer de faire vaciller les fondations, la structure, l’ensemble, car on ne pose pas des bases sur des bases, des fondations sur des fondations. L’édifice exige de ses ouvriers aussi patients que géniaux la conservation, l’étude et l’élévation.

Mais l’édifice, au fil des siècles de sa construction, a atteint une dimension et une taille prodigieuses. Ses fondations, extrêmement larges et solides, sa hauteur, vertigineuse, font la fierté des individus qui le composent. Non sans vivoter sur les bases anciennes, ils sont grisés par la mémoire de leurs ancêtres, dont ils ressentent le légitime orgueil, et par l’avenir encore prometteur, dont ils pressentent la venue. Il faut le reconnaître, la difficulté, pour eux, ne consiste pas tant à aplanir le terrain, qu’à contempler, sans défaillir, l’horizon majestueux qui s’étend devant eux. L’horizontalité les saisit. La vision qu’il leur reste à inventer n’est pourtant plus si large, plate, géométrique, que haute, profonde, échelonnée, afin de mesurer la difficile beauté de l’édifice. L’heure n’est plus au compas, mais au sextant. Après tout, la grandeur participe de toutes les dimensions. 

La verticalité de l’esprit exprime un désir d’élévation qui succède à l’horizontalité de la volonté, cette volonté déjà ancienne qui a rendu possible la construction de l’édifice. L’horizontalité, qui perdure dans le regard de tous, est l’extériorisation de la volonté commune et mémorable, qui, pour se perpétuer, a l’obligation de se convertir aux profondeurs de la vision, de la création, de l’esprit. À l’heure actuelle, cette profondeur est encore malaisée, mal représentée et difficile à percevoir. Sur nos écrans, il arrive même qu’elle passe ou se fasse passer pour une extravagance folle ou dangereuse, parfois les deux. La restitution de la profondeur impose, à la base de l’éducation, la confiscation ou la mise à distance des écrans, et l’instauration du « temps d’écran » pour tous les autres. Il y a un temps pour tout.

mercredi 23 janvier 2019

Où intervient la poésie ?




Le degré moyen de la parole

Toute poésie a hérité d’un certain degré de style qu’elle maintient ensuite sur l’échelle de la parole, prête à en faire don comme d’une proie soumise au regard de ses lecteurs, y compris les plus pressés. Celle que je souhaite communiquer un jour aux lecteurs a été écrite dans le style « moyen », comme les océans abritent des poissons à des profondeurs moyennes, comme on peuple des villes de tailles moyennes, comme la plupart de nos véhicules sont faits pour couvrir des distances dites moyennes. Autrement dit, en voulant nommer une poésie « superficielle », on n’entendrait pas systématiquement sonner un reproche envers son éventuel défaut de consistance, mais aussi bien la formule générique pour nommer une poésie de la surface, de l’épiderme et du premier plan. On ne vanterait pas non plus, a priori, les mérites d’une poésie pour sa « profondeur » au seul prétexte qu’elle serait difficile, exigeante, recherchée, quand cela n’en dit pas moins l’enfouissement et la distance à parcourir afin de l’appréhender. Mais je voudrais encore, par cette épithète équivoque, nommer « moyens » des thèmes qui recèlent tout ce qui nous est – ou nous paraît – commun (ce qui n’exclut pas toujours le sublime) : Dieu, l’amour, la paix, le temps, l’espoir, pour évoquer les plus visibles. Si ce sont donc des thèmes de toujours, il reste qu’ils sont souvent difficiles. Le rôle de la poésie, à mon sens, c’est d’intervenir pour qu’ils soient vécus davantage comme sujets de pensées et d’expériences que comme sujets de complications avec suspension de la parole. Intervenir ? Pourquoi ? Auprès de qui ? Comment ? C’est ce que nous allons maintenant aborder successivement.