mercredi 3 mai 2023

La poésie sacrifiée


Le Bouc émissaire, William Holman Hunt, 1854


 La poésie sacrifiée


D’abord il y a l’idée immonde d’insinuer qu’un poète classique doit être âgé ou mort.


Puis celle de « faire ce que je dis… pas ce que je fais… »


Viennent les abus presque délictueux pour susciter les soupçons permanents, engendrés par des communications où domine systématiquement le style indirect, voire insensé, où se perd l’art.


Après le travail de mémoire, et avec elle, on doit savamment se départir du sens historique, à moins de nous rendre fous si on l’impose à tout bout de champ sans l’évoquer.


On peut se choquer progressivement de constater l’opacité de pouvoirs entre les mains, non d’élus, mais de n’importe quels amis dénués du moindre égard et de la moindre estime hors de leurs cercles apeurés.


Il est fort pénible d’être témoins que les plus anciens de nos poètes et les gloires posthumes sont bafoués par d’innombrables originaux, dont le seul point commun est la connivence pour ne poétiser que dans leurs langues innovantes codifiées, et d’exclure jalousement ceux qui ont le don de savoir faire la même chose en langue et en poésie française.


L’idée se tient de redéfinir le mérite des poètes. Pas « les premiers seront les derniers », qui dénote d’une erreur de lecture et d’une démesure qui assimile ce pouvoir au pouvoir religieux, qui n’y correspond absolument pas. Des poètes en grand nombre peuvent se dire et s’entendre dire, eux aussi, de revoir leurs copies, sans que cela les heurte, au lieu d’envahir les librairies de poèmes à peine ébauchés. Ni un diplôme, ni une filiation, ni un service, ne peuvent servir de troc au lieu de l’art de poète et l’art de lecteur, l’art de faire un livre non avec des calculateurs ou des « gens du bouquin », mais avec des artisans du métier des livres. Des individus cultivés ne peuvent se satisfaire de pourcentages, même d’un seul, qui ne dit rien, surtout pas qui veut lire des poèmes et si les livres de poésie sont lus, avec quel bonheur. Lorsque la philosophie vend des livres, elle s’achète et se cultive, elle se médite et se prononce, elle est étudiée, a priori, bénéfiquement, on peut l’apprécier entre adeptes et passants. La poésie peut répondre aux mêmes critères de diffusion et de difficulté, de recherche et de culture. Son effet, sa lecture, son bénéfice culturel s’apprécient autrement que la philosophie, plus sourdement et implicitement, longuement non traduite afin d’apprendre à l’aimer en la langue de son pays et dans les sphères où on la parle et sait la lire. 


Associer la lecture en principe préparée, artiste, apaisée, à une peine, à une chose pénible, c’est un choix absurde, qui impose aux poèmes l’opposé de leur vocation.


Quel que soit leur style, les poètes devraient éviter de se commettre trop souvent avec les pouvoirs décisionnaires de leur marché, auxquels personne ne gagne à se rendre désagréable plus que de raison ; ou bien chaque partie prenante à ce jeu, tout poète a fortiori, se devrait d’en rendre compte dans un langage des plus directement raisonnés et conscients des problèmes les plus vifs, tel que celui de l’exclusion d’un style. Et ce avec la plus grande impartialité.


Enfin, il serait évidemment grossier de produire un artifice et une trahison telle que la résurgence spectaculaire et soudain vantée de ce style si longtemps dénigré, en s’obstinant à tenir à l’écart ceux qui l’ont cultivé pendant ces années. Comme une génération que ses éducateurs auraient sautée, prise en étau entre l’ancienne et la nouvelle, cela n’aurait plus le goût amer du fiel, mais l’aspect du sacrifice de boucs émissaires, si sordide, à vous glacer le sang, chers innocents.

mardi 4 avril 2023

Poésie ~ Le Bouton



 Une idée de ces jours passés récents. Difficile à exprimer. 



Ils liquidaient l’affaire.


Ils l’étaient, visionnaires.


Lorsque revint la guerre,


Ils étaient prêts, nos frères.


Alors, quand on appuie sur un bouton,


on doit faire attention. Attention !


Alors ? Qu’est-ce qu’ils foutent ?


On a beau appuyer, c’est niet, kaput.


Mais alors, on va avoir l’air con !


Ils auront des raisons, ces gens mignons.


Hein ? Quoi ? La… poésie ? Qui sauve ?


Mais justement, tu sais. Cela, tu sais, LOVE.


Ah ! Ah mais ouais ! Okay ! On en parle ?


Et moi - mais moi @David - au nom de Charles,


je lis Arthur Rimbaud, Baudelaire et remoi, 


pour ma maman, Maman ! et pour Quelqu’une, toi.



J’ai cru comprendre cela, j’ai pu me tromper…


C’est amusant, maintenant, à peine. Pas rompez. 


(Attention : 👋🏼 restez, vous)-(aux guerres : pars en paix !)




Adresse (à des diseurs)

                                   



Maintenant sur terre,

Iels auront de quoi faire !

Voilà de tradition. Rayons,

et rions, de sentiments mêlés… (e muet !)


8:28




vendredi 31 mars 2023

Stabilo Boss

 


N’importe quoi, poème de David Rolland
🎶 Tiki Horizon, musique de Patrick Warren
Bruitages : David, avec iMovie for iPad, Apple
Images : n’importe quoi, via Google Images

vendredi 24 mars 2023

Poésie : Enfant d’amour, et autres réveils…



Enfant d’amour




Au premier jour, je fus partant pour un ailleurs

mais le monde est géré par un faux-monnayeur


Je me repris pour toi, en parfait altruiste

revêtu d’une peau pudibonde et artiste...


Cinq ans ! Et je n’étais qu’une recrue pressée !

Ce fut de pire en pire, une corvée froissée


Je feignis le bonheur sous des airs de Crésus

mais le temps est l’auteur d’un recueil de malus


Le neuf chasse l’ancien, réduit à insister :

depuis dix ans l’amour nous priait d’exister


J’avais une idée... vague, celle d’être admis

mais heureux malgré tout en bénévole ami


Et ainsi nous suivions la pente avec lenteur

de noces qui n’étaient que le portrait d’un leurre...


L’ennui fit son retour. Étions-nous donc simplistes

pour être devenus alter ego machistes ?


Dix-sept ans ! Notre vœu fut enfin exaucé :

l’avis était glacial, avions-nous dégrisé ?


Au dix-neuvième mois, nous n’en savions pas plus

Que valent les regrets, leurs temps sont révolus !


David Rolland



Radiodiffusion : Le poète et la science. France Culture. Avec Jacques Réda, poète de son état. Le 28 décembre 2014.





–(Vastes sujets)–
Lecture de poète, commençant, finissant, du préparateur au laborantin.





Gentil éléphanteau, dans la savane,
parmi de blancs oiseaux, se pavane.
Source image



samedi 18 mars 2023

En plein ciel


Amis d’amour


Toi mon amour, lis ce poème
sur toi et moi, et sur ce thème 
ses confusions et ses erreurs
nous reprendrons ces mots en chœur

je t’aime infiniment, je t’aime

Mais dans le blanc, quelqu’un soupire :
l’amour perdu... qui va l’écrire ?
Pour ce péché originel
dont la beauté viendra du ciel

je t’aime au-delà du désir

On nous crut gangsters en cavale
les derniers de Neandertal
deux fous anciens dans les mémoires
aux premiers jours d’une autre histoire

chasseurs du temps, vainqueurs du mal

Va mon amour, dis ce poème
autour de toi, et s’il essaime
nous renaîtrons d’autres amours
nous serons unis pour toujours

je serai cet ami qui t’aime


Transparent



Je ne dis rien qui vaille

à tous ceux qui travaillent 


Je ne parle pas pour eux 

Je ne suis qu’un amoureux 

qui ne va nulle part 


qui ne va nulle part 

sans poser son regard 

sur la beauté d’un trait 

sur la beauté d’un mais 


parce que je me souviens 

d’une ou deux que j’aimais 


parce que je me souviens 

d’une qui m’aimait bien



2018



Comme un jardin fleurit



J’ai besoin de repos

Si tu ressens

toi aussi

la même chose

si mon appel trouve un écho

partageons ce repos

J’aurai alors

de toi

l’heureux présage d’aimer

rivé 

au plus fragile endroit

du bonheur

d’être rien l’un pour l’autre qu’une heure assagis

comme un oiseau nourri par un enfant

par le vœu de la Terre

par la tendre vertu 

qui fleurit les jardins



Poème social



Je suis des galeries, sur Instagram, 

où nulle part en vue mosaïque 

je ne peux deviner à quelle saison 

les photos correspondent…


Et je me dis 

que je suis nul, 

qu’ils sont si doués, 

que les ciels bleus ou gris me trahissent… 

Qu’à trop peu voyager je me lasse,

que mon image s’amenuise,

que j’ai encore tout raté


Alors, amer, je pense 

aux prochaines élections,

au parti de transition

qui devra faire autrement

pour m’offrir des vacances

près de tous ces gens

qui sont d’une autre condition

plus aisée que la mienne,

mais cette idée m’aliène

en attendant leurs parutions…

Est-ce que toi aussi

tu suis des galeries, sur Instagram, où nulle part en vue mosaïque tu ne peux deviner à quelle saison les photos correspondent ?

Nébuleuse de la Carène
Image : NASA’s James Webb Space Telescope


Beaux esprits

 Des relations sans esprit, c’est un tel dommage
Être chez moi avec l’esprit, c’est de mon âge
 Ainsi trouvés, je vais mieux, j’en suis là
On ne permet pas trop, en société, cela




Socialisme : religion sociale sans lien.



Religion socialeÉchecs récents, en profiter pour rebondir ; échecs anciens, un grand rebond pour les guérir.



LETTRE MORTE



Une lettre sans voix 

par erreur adressée

revint encore une fois 

à son auteur pressé

Mais il mit cette fois 

un mot sur une chose

qui le turlupinait

qu’il retourna cent fois

et qu’il retravailla

tant de fois qu’à la fin

il eut trouvé sa voie

la voie qu’il recherchait

la chose qui manquait

le mot le plus parfait


Tout fier de sa trouvaille

qui l’avait épuisé

il envoya sa lettre

une lettre sans voix

qui arriva ma foi

chez un curieux lecteur

un curieux liseur

un curieux dénicheur

qui prit le temps de lire

d’entrer avec lenteur

peut-être à contre-cœur 

dans le vif du sujet...


Jusqu’au jour où le pire

arriva chez l’auteur

qui attendait sa lettre

la lettre qui rend fou

fou de joie de connaître

l’instant de vérité

l’instant de parité

l’instant décacheté

l’instant tant attendu...


Mais il fallut admettre

à notre épistolier

cet esprit d’escalier

à ce pauvre amateur

ce laborieux chercheur

qu’une lettre sans voix

une lettre sans poids

quel qu’en soit le motif

n’a qu’un but évasif

qui peut rester sans suite


Parce que le mérite

ça ne s’invente pas

parce que le mérite

ça ne s’exige pas

parce que le mérite

ça ne s’invite pas

Là où ça se décide

il faut être lucide


et une lettre morte

peut prendre tout son temps  

jusqu’à la délivrance


comme un mère avorte

jusqu’à la renaissance


comme une œuvre se porte

avec un peu de chance

mais ça prendra du temps


on va de porte en porte


inévitablement


indéfectiblement 


inexorablement


jusqu’à la réception 



Août 2019